Apparemment, contrairement à l’analyse sociologique de Gérald Darmanin, non seulement les manifestations ne seraient pas uniquement du fait de “feignasses bobo-gauchistes” des petits milieux parisiens bien-pensants, mais également des “abandonnés de la France périphérique”, en gros cette France des travailleurs essentiels qui se lèvent tôt. Un quart d’entre eux auraient même une espérance de vie en dessous de 64 ans. D’ailleurs globalement, l’espérance de vie en bonne santé de la population française serait en train de stagner depuis 10 ans. Les yeux rivés sur la carte de France, nos éminences de l’Elysée, de Matignon et la Place Beauvau, auscultent la mobilisation dans les petites et moyennes villes, l’une des caractéristiques de ce mouvement social contre la loi sur les retraites.
Le 31 janvier, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a épluché avec attention la note que les renseignements territoriaux lui ont adressée au soir de la deuxième journée de manifestation.
Celle-ci pointait une augmentation de la participation partout en France entre le premier et le deuxième cortège, particulièrement dans les départements faiblement urbanisés, « de la Manche jusqu’à l’Ariège », à l’image de la Creuse, du Lot ou de la Corrèze. N’en doutons pas le 7 mars verra encore plus de monde dans les rues.
Une conjonction de facteurs explique la mobilisation de cette France rurale ou périphérique, dépeinte par l’écrivain Nicolas Mathieu dans ses romans et par le géographe Christophe Guilly. Le poids de la fonction publique (et donc du syndicalisme) en est un. Dans des territoires où l’hôpital (très malmené par le gouvernement) est souvent le premier employeur, la population active de ces sous-préfectures compte en outre de nombreux employés et ouvriers, peu qualifiés. Exclus du télétravail, ces derniers n’ont pas vu le rapport à leur activité évoluer de la même manière que pour les cadres des métropoles, pendant et après la crise liée au Covid-19.
Pénalisés par la mise en veille de tous les réseaux de socialisation (clubs sportifs, etc.), ils ont vu au contraire leur existence réduite au seul travail, « omniprésent et vecteur d’un plus grand mal-être depuis le début de la pandémie », souligne la Fondation Jean Jaurès, alors même que celui-ci est « insuffisamment rémunérateur pour être émancipateur ».
Longtemps mise de côté depuis le début de la mobilisation, l’arme de la grève reconductible est brandie à l’occasion de la nouvelle journée prévue le 7 mars. Cinq fédérations de la CGT – dont les Ports et docks, les industries chimiques ou les mines et l’énergie – ont d’ores et déjà appelé à la «lutte reconductible» à partir de cette date. Elles seront rejointes par la RATP : le 11 février, l’intersyndicale de la régie francilienne avait appelé à participer à une «grève reconductible à partir du 7 mars 2023 afin de peser encore plus fort et gagner le retrait de ce projet de loi». De son côté, l’intersyndicale nationale n’appelle pas encore à la grève reconductible, mais espère bien «mettre la France à l’arrêt» ce jour-là.
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Lundi 6 Mars 2023