EDF, quand un PDG passe aux aveux

Comme en témoigne le grand déballage explosif de l’ancien patron d’EDF face aux membres de la commission d’enquête parlementaire, Macron est bien le fossoyeur de la grande société publique EDF et l’un des responsable de la catastrophe industrielle et énergétique à laquelle nous sommes confrontés.

Pourtant tout aurait pu aller pour le mieux, contre toute attente pour le gouvernement puisque le jeudi 9 février, à l’issue de débats parfois houleux, l’Assemblée Nationale avait adopté en première lecture, (contre l’avis du gouvernement d’ailleurs) un texte pour une vraie «nationalisation» d’EDF, mais aussi pour la mise en place d’un bouclier tarifaire étendu aux artisans, notamment les boulangers. Ce qui à l’évidence ne peut que rassurer les Français.

C’est même «Un jour historique !» se félicitait le député socialiste Philippe Brun qui portait cette proposition de loi visant notamment «à protéger le groupe EDF d’un démembrement» alors que l’exécutif (malgré ses nombreuses dénégations) n’a jamais abandonné l’idée de vendre des actifs d’EDF dans les prochains mois, voire de démanteler l’électricien national en le livrant aux appétits des financiers. En fait il n’en est rien et ne nourrissons pas trop d’illusions, Macron en bon petit soldat de l’UE passera par une autre voie pour imposer son projet «Hercules» et le démantèlement d’EDF malgré l’avis défavorable des français.

Le témoignage de Mr Proglio montre la face cachée et pas reluisante de notre politique énergétique.

Devant la commission d’enquête sur la perte d’indépendance énergétique du pays, Henri Proglio se lâche et distille les petites phrases : «
Poison », « politique au doigt mouillé »… et autres
révélations… Il a dirigé l’entreprise de 2009 à 2014, à cet instant critique où la politique d’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité, décidée par Bruxelles à la fin des années 1990, est pleinement entrée en application. Écarté de son
poste par François Hollande au profit de Jean-Bernard Levy, alors jugé plus en phase avec les projets de décroissance nucléaire du gouvernement, Henri Proglio a lâché la bride devant les députés ce 13 décembre, accusant ouvertement Bruxelles et les gouvernements successifs d’avoir délibérément saccagé, depuis 2010, le système électrique français. Lorsqu’il prend la tête de l’entreprise publique au début du XXIe siècle , raconte-t-il, EDF est
exportateur d’énergie, a les prix les moins chers d’Europe (deux fois et demie moins chers que l’Allemagne) et un contrat de service public qui fait référence dans le monde, et donne à la France un
atout formidable en matière d’émissions de gaz à effet de serre. 

Partant de là « il
n’y avait plus qu’à tout détruire : c’est chose faite ! ». L’«
obsession allemande » : détruire EDF. Le ton est calme, accablé
par le constat, mais les mots sont grinçants, et pendant près de
deux heures, les balles sifflent. Contre l’Europe, d’abord, accusée
d’avoir délibérément ruiné, sous la pression de l’Allemagne, le
potentiel français.
« L’Allemagne a choisi l’industrie comme axe
majeur de son économie, puis a tenté l’énergie verte [la
transition énergétique allemande, axée sur la sortie du nucléaire
et le développement des renouvelables, NDLR]. Cela s’est terminé
par un désastre absolu, les énergéticiens allemands étaient
ruinés, totalement vulnérables », détaille l’ancien patron d’EDF.
« Comment voulez-vous que ce pays accepte que la France dispose d’un
outil compétitif aussi puissant qu’EDF à sa porte ? L’obsession
allemande depuis trente ans, c’est la désintégration d’EDF. Ils ont
réussi.

Et cela avec la
complicité de l’Europe, accuse-t-il, qui « a pris comme axe
idéologique unique la concurrence »… Et celle des gouvernements
français. Proglio cible les responsables politiques en rafale. La
loi Nome, votée en 2010, qui imposait à EDF de subventionner ses
concurrents en leur vendant à prix cassé un quart de son
électricité ? « Une mesure inique, destinée à casser EDF et
prise sous la pression bruxello-allemande », dénonce-t-il. « Ça a
très bien fonctionné, les concurrents d’EDF sont devenus riches. »
Pas les Français : pour compenser les pertes, EDF a augmenté ses
tarifs, révèle-t-il. Des propos qui font écho à ceux de son
prédécesseur à la tête d’EDF (de 2004 à 2009) Pierre Gadonneix,
auditionné une semaine plus tôt par la même commission, qui avait
dénoncé « une monstruosité », en grande partie responsable de la
lente dégradation d’un parc nucléaire français privé
d’investissements, et de toute perspective.

À la tribune, les
membres de la commission, qui ont entamé leurs travaux fin octobre,
se lancent des regards en biais. « Ça tranche avec l’audition
précédente », commente l’un d’eux, par SMS. Plus tôt dans la
journée, les députés avaient en effet entendu Laurent Michel,
directeur général de l’énergie et du climat au ministère de la
Transition écologique, qui a répondu aux questions dans une solide
langue de bois administrative. « Dix ans en poste : il n’a rien vu,
rien anticipé, a enterré tous les rapports », tacle un député.
Proglio, lui, se lâche…, raconte avoir assisté « à la recherche
pathétique d’un accord électoral avec un parti antinucléaire »
(EELV) qui a conduit, pendant la campagne de 2012, « à la fermeture
annoncée de 28 réacteurs ». Seule la centrale de Fessenheim sera
fermée. Il raconte comment « une théorie absurde » lui a été «
imposée à l’époque par les pouvoirs publics : la théorie de la
décroissance électrique. Il était de bon ton d’accepter l’idée de
considérer que la consommation d’électricité allait diminuer en
France », s’étonne-t-il, quand tous les indicateurs montraient
précisément l’inverse. « N’importe quel artisan boulanger aurait
eu plus de bon sens », attaque-t-il.

Directives imposées par
Jean-Marc Ayrault dépeint en « Ubu roi ». Ancien maire de Nantes
et Premier ministre sous la présidence de François Hollande, qui
s’était proclamé « chef de file de la filière nucléaire
française ». Il organisait des réunions à Matignon pour
distribuer les rôles. Le détail de ces rencontres, organisées dans
le huis clos du pouvoir, est confondant. « Il y avait onze
ministres, onze directeurs de cabinet, vingt patrons de
l’administration et les patrons d’Engie, d’Alstom, d’Areva et moi. Et
le Premier ministre répartissait le développement du nouveau
nucléaire à l’international ! Un jour, le roi de Jordanie est venu
à Paris, il voulait qu’on lui livre un réacteur de 900 mégawatts.
Le Premier ministre dit : la Jordanie, c’est qui ? Moi je dis : c’est
Gérard Mestrallet, président d’Engie» à Jean-Marc Ayrault qui
s’étonne de ce « cadeau » consenti par EDF, Proglio fait
remarquer, pince-sans-rire : « En Jordanie, il n’y a pas d’eau pour
refroidir et pas d’argent pour payer, alors je préfère que ce soit
Gérard. »

L’ignorance des données
scientifiques et des enjeux industriels par la classe politique
sourde à chaque intervention. « D’où vient l’objectif de réduire
la part de nucléaire à 50 % du mix électrique ? » demande le
président (LR) de la commission, Raphaël Schellenberger. «
Pourquoi ce chiffre ? ». Réponse de Proglio, lapidaire : « C’est
complètement au doigt mouillé. Totalement ! Personne n’a jamais
estimé autrement que comme ça. On n’a d’ailleurs jamais su d’où
viendraient les autres 50 %. » Des énergies renouvelables,
peut-être ? « Les Allemands ont investi plus de 500 milliards dans
les énergies renouvelables, on en voit l’efficacité. »

Quand Henri Proglio
révèle le teneur d’une conversation qu’il aura, au cours de son
mandat, avec la chancelière allemande Angela Merkel, certains
députés regardent leurs chaussures. « Elle m’a dit qu’elle croyait
totalement au nucléaire. Mais elle devait bâtir un accord de
coalition avec les Verts conservateurs. Elle me l’a dit : elle a
lâché le nucléaire pour des raisons politiques ! » Et de conclure
par ces propos amers, dans un silence presque gêné : « L’Allemagne
est consciente de ses propres enjeux et de ses propres intérêts. »
Contre « le sacrifice d’EDF », la France, elle, « n’a rien négocié
»!

Pendant ce temps-là,
personne ne répond à la question de fond : quelle est la stratégie du gouvernement pour EDF ?

 

Dans le lien vous pouvez
écouter l’audition et le grand déballage explosif de l’ancien
patron d’EDF face aux députés .
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